Maladie du Siècle
   Il n’y a pas si longtemps, nos grands-parents, vos arrières-grands-parents pour les plus jeunes, faisaient leurs besoins accroupis derrière un buisson, dans les bois, à la campagne ou dans le jardin et s’essuyaient avec des feuilles.
   De nos jours, c’est devenu impensable. On fait tout ça assis sur de la porcelaine et on utilise du papier spécialement conçu pour cet usage.
   Il semblerait que ce soit une erreur. Une étude récente démontrerait que la chlorophylle contenue dans les feuilles avait un effet antiseptique certain et que la position assise place le gros intestin dans un mauvais angle.
   Tout ceci expliquerait la montée vertigineuse des cancers du côlon et l’inquiétante progression des hémorroïdes chez des personnes de plus en plus jeunes.
   Un groupe d’éminents chercheurs de l’université Jagellon de Cracovie aurait notamment remarqué une corrélation entre Covid-19 et une baisse des troubles intestinaux chez certaines personnes en France.
   En effet, la pénurie de papier hygiénique pendant le premier confinement, alliée à la fermeture des bars et des toilettes publiques (par mesure d’hygiène), a poussé les professionnels dont les déplacements ne pouvaient être différés à déféquer à l’ancienne, derrière les haies dans les jardins publics, et ce, pour leur plus grand bien !
   Si vous m’avez lu jusque-là, et seulement jusque-là, vous serez peut-être tentés d’aller faire caca à croupetons dans la campagne, pour vous torcher le cul avec des feuilles de vigne ou de figuier… Mais seulement voilà : tout ce que j’ai écrit ici, c’est du grand n’importe quoi, comme un peu tout ce qu’on nous raconte ici et ailleurs, aujourd’hui comme hier et sans doute demain. Vous pouvez continuer à caguer dans la céramique, à vous frotter avec du PQ ; et si vous chopez le cancer ou le mal au cucu, ça ne sera, comme on le dit aussi dans les autres fictions, que pure coïncidence…
Le 19 thermidor 229 (060821), à Antibes.
Michel ASTRE, Poèmes et chansons pour les cinq saisons.