fin d’un royaume
trahi par les dieux

Il était une fois, il y a fort longtemps,
une reine et un roi qui n’étaient pas contents.
Ils ne savaient à qui reviendrait ce royaume
si chèrement acquis au temps du roi Guillaume.
Ce dernier, en effet, avait loyalement
conquis, battu, défait, un peuple de manants.

Les dieux ayant aidé Guillaume en ses massacres,
louaient le bien fondé de son trône et son sacre.
Élus de droit divin, lui et ses héritiers
ont-ils gardé en vain ce royaume en entier ?
Les dieux les ont conduits à avoir le dessus ;
pourquoi donc, aujourd’hui, les laissent-ils déçus ?

Ils n’ont jamais péché ni commis de violence ;
ils n’ont fait qu’empêcher révolte et nonchalance.
Quand sur un échafaud justice était rendue,
des gens bien comme il faut n’étaient jamais pendus.
On les décapitait proprement, sans surprise,
quand ils avaient été accusés de traîtrise.

Vraiment, pourquoi les dieux voulaient-ils laisser choir
un peuple aussi radieux du haut de son perchoir ?
On comprend rarement les volontés divines
et seul celui qui ment prétend qu’il les devine.
On peut donc mesurer l’ampleur du désarroi
où enfin galéraient la reine et le bon roi.

Condamnés à laisser un si noble héritage
fruit de tout un passé, à la haine, au partage ?
Risquer de voir sombrer dans la révolution
des sujets calibrés pour vivre en soumission ?
Les dieux, c’est leur métier d’assurer à la ronde
aux rois des héritiers qui font tourner le monde !

À quoi bon conquérir un pays triomphant
si c’est pour y périr sans légitime enfant ?
Ne sachant pas à qui reviendrait le royaume
si chèrement acquis par le lointain Guillaume,
il était une fois, donc, il y a longtemps,
une reine et un roi inquiets et mécontents.

Condamnés à laisser leur si noble héritage
fruit de tout un passé, à la haine, au partage.
À leur mort un phantasme engendra des passions,
on choisit le marasme et la constitution !
Dans ce puissant état hier encore idyllique
le populo vota la fin : la République.

15 & 17 juin MMXXIV (28 et 30 prairial 232).


     


Michel ASTRE, Poèmes et chansons pour les cinq saisons.