Gendarmenhir
Le menhir de
Vico,
planté en bord de route
se demande sans doute
quand il voit les autos
ce que sont ces machines
qui vont pétaradant
avec des gens dedans.
Alors il imagine
que si on l’a mis là,
au Col de St.-Antoine,
seul comme un pauvre moine,
droit comme un échalas,
c’est pour freiner l’allure,
pour ralentir le trot
de ceux qui vont bien trop
vite avec leur voiture.
De jour comme de nuit,
il évite des larmes.
À côté, les gendarmes
aussi nombreux que lui
dans leur bâtisse immense
ont un peu de répit.
Coiffés de leur képi,
mesurent-ils leur chance ?
Se prend-il pour un flic
avec ses épaulettes
mais sans rien sur la tête
dans son jardin public ?
Plusieurs fois millénaire
le pauvre s’ennuie tant !
Pour occuper son temps
il est prêt à tout faire.
Nos ancêtres humains
l’ont taillé dans la roche
sans lui faire de poche,
sans lui faire de main.
C’est là tout son problème :
ni papier ni crayon.
Quand vient l’inspiration
comment faire un poème ?
Le menhir de Vico,
issu du fond des âges,
surveille le passage
parqué dans son enclos.
3/8/3
Michel ASTRE, Poèmes et
chansons pour les cinq saisons.